07 janvier 2013

La tentation de la provocation, et vice-ver(seau) : Mars carré Saturne

 "Tu quoque!"- Jules César (Carré Mars/Saturne natal)


   






















Quel lien y a-t-il entre Elisabeth II et François Chérèque?  Il ne s'agit pas d'un scoop sur une improbable liaison entre la souveraine d'Angleterre et le secrétaire général du puissant syndicat ouvrier Français, ni d'un discours sur la pilosité : L'un et l'autre ont simplement en natal le même redoutable aspect de carré entre les deux planètes maléfiques de la Tradition. De plus leur Mars est en Verseau et leur Saturne en Scorpion, la même configuration astrale que celle qui obscurcit notre ciel cette semaine. Voyons comment ce trait de caractère s'exprime chez ces deux hommes personnalités (en gardant à l'esprit qu'il ne les constitue pas seul, et qu'on ne saurait réduire un individu psychologiquement complexe à un simple schéma, même très signifiant comme peut l'être ce carré).

Chez Élisabeth, si l'on peut considérer que la force de Saturne est pour la plus grande part représentée par la puissance de l'establishment et du protocole (très rigides, exigeants, voire contraignants en Scorpion), lesquels sont jalousement et passionnément observés et conservés chez les britanniques non seulement parmi les classes aristocratiques mais aussi dans les classes sociales populaires, par le biais des journaux traditionnellement attachés aux symboles de la royauté, nous sommes enclins à conclure que la frustration éventuelle des désirs d'affirmation personnels est indissociable de la double notion de devoir et de pouvoir. C'est surtout Mars en Verseau, par sa position, qui joue un rôle tantôt perturbateur et tantôt moteur dans la vie de la souveraine et de son empire. Ainsi elle se distingue durant la guerre comme mécanicienne, à dix-huit ans, conduisant des camions militaires et portant l'uniforme... Comme son père pionnière des médias de masse, elle s'adresse à l'ensemble de l'empire, insistant : "Les progrès de la science me permettent de faire ce qu'aucun de mes ancêtres n'a pu faire..." Chez elle ordre, (pouvoir) et technique sont intimement liés. Elle monte en amazone durant les cérémonies militaires, et, parait-il, les seules larmes qu'on lui voit verser sont pour le navire HM Britannia, véritable bunker nucléaire flottant, lors de son désarmement. Si elle déroge peu au protocole, un fort caractère d'indépendance la contraint parfois à agir ou à décider de façon décalée, inappropriée, ce qui outre Manche est d'ailleurs aussi bien interprété comme une volonté d'avancée sociale ou d'émancipation pour son peuple que, à l'inverse, comme une série d'étourderies et de bourdes à réparer, dues à un naturel individualiste à la fois impulsif et indécis. Tiraillée, semble-t-il, entre une certaine, disons androgynie de caractère et le devoir de s'affirmer en tant que femme, c'est peut-être à elle que les Anglaises doivent (surtout en France, peut-être) cette réputation de manifester d'une façon quelque peu masculine et inflexible la revendication de leur féminité souvent si caractéristique (et touchante, au fond). Les récents jeux olympiques de Londres, tout habillés de rose et tenus (hérésie astrologique, d'ailleurs!) lors du passage de Mars en Balance, où l'on put voir la reine sauter en parachute d'un hélicoptère en vol, pourraient, au-delà de l'aspect folklorique, donner une certaine idée des contradictions, parfois presque tragiques, inhérentes à cette configuration astrale et de la difficulté de concilier certaines aspirations, par exemple lorsque la guerre pour un certain idéal se heurte à des limites simplement physiologiques, viscérales, intemporelles.

Chez François Chérèque ("seule la réforme peut changer le monde") la contradiction vient de ce que l'homme, qui a mobilisé et patiemment canalisé toutes ses forces et ses idéaux dans la lutte sociale, est pourtant surtout connu pour son talent... de négociateur. On le présume apte, il est vrai, à restreindre et à diriger l'agressivité de ses militants, puisqu'il est jugé capable de juguler la sienne. Cette capacité, ou dignité, fondée sur une connaissance et une certaine maîtrise des émotions humaines, lui a en grande partie, sans doute, valu son rôle de secrétaire général de la CFDT. Mais parce qu'elle implique aussi la possibilité du dialogue avec l'ennemi au lieu du "choix" de l'explosion, qui est souvent l'expression la plus pure de la révolte véhiculée et nourrie par le carré de Mars à Saturne, ses nombreux opposants n'hésitent pas à le qualifier de "traître", de "complice" et même de "collabo". Pour lui, en somme, l'ennemi est partout, aussi bien dans ses propres rangs que dans le patronat, et les obstacles à sa lutte interne et externe sont constants. Plus encore, sous l'influence de ce carré, certains sont susceptibles de naître de ses propres restrictions et inhibitions, lesquelles, si elles n'ajoutent à son ressentiment, ne peuvent qu'attiser celui des autres... L'action et la révolte sont normalement des forces de son caractère; la modération est un exercice particulièrement éprouvant pour une telle nativité, aussi les accès de colère violents, redoutables, ne sont jamais totalement à exclure. De là sans doute le choix du titre, à double-tranchant, de son livre : Si on me cherche...

Mars et Saturne sont traditionnellement parmi les significateurs et les déclencheurs directs ou indirects de situations critiques et potentiellement explosives, en particulier lors de leurs carrés mutuels. L'empereur Jules César avait ce carré de Mars et Saturne dans son thème, et la vie de cet homme illustre fut une réelle tragédie, son appétit immense de conquêtes (Mars) triomphant avec une rageuse insouciance de toutes les frontières et les limites (Saturne) jusqu'à ce que l'obstacle final, lentement élaboré par son húbris même, révèle à travers l'ultime regard de son fils à quel point il s'était en réalité, peu à peu, entouré d'ennemis mortels. Et ceci, amis, est pourtant de l'histoire au sens moderne du terme. On n'accumulera pas les exemples, innombrables, qui ne font que répéter ce schème.
Le tragique survient lorsque une situation de tension (ici un carré, indiquant une crise) se noue peu à peu obscurément entre des pulsions si fondamentalement inconciliables qu'elles ne peuvent plus trouver le moindre exutoire sinon dans une action radicale, au caractère définitif. En ce que l'échappatoire unique du tragique est la tragédie elle-même, cette action acquiert un caractère mythique, fondateur et donc sacré. La résolution du conflit étant le fondement même de toute idée de stabilité dans l'individu et dans la société, cette dernière s'est donc peu à peu établie grâce à la culture, qui n'est donc, sous sa forme extérieure, qu'une compilation d'abominations de tous ordres, n'ayant sur les esprits un effet cathartique que dans la mesure où l'inadéquation existe déjà en puissance (le personnage tragique est secondaire, en ce sens qu'il se confond avec l'acte lui-même, dont il n'est en somme que l'instrument provisoire, le véhicule : dans la tragédie, seul compte véritablement le dénouement, lequel seul ajoute à l'édification sociale raisonnée - c'est du moins ainsi que l'entendaient les plus anciens civilisateurs, encore concevaient-ils déjà le tragique comme une projection et ne le recherchaient-ils déjà plus dans le monde réel d'où ils travaillaient au contraire à son bannissement par l'élaboration d'un ordre mythologique, qui constitue de fait, tout en la reflétant, une grande part de notre psychologie profonde. Mais peut-on jamais prétendre avoir épuisé le tragique?).
Ce n'est semble-t-il qu'assez récemment que l'inverse s'est également "révélé", savoir l'aspect incitateur de tels exemples (j'emploie des guillemets car à ma connaissance aucune étude sérieuse ne confirme ce point : Il s'agit de témoignages épars au caractère "moralisateur" ou disculpatoire, quoique souvent relayés à grande échelle par les médias. Sans plus. Mon sentiment est que toute tentative d'affadissement du principe mythologique pourrait refléter la nostalgie d'un âge pré-primitif, d'un temps primordial complètement hypothétique, homérique, où l'homme en tant qu'espèce eût encouragé l'action tragique. Ma crainte est quelquefois, sous Uranus en Bélier, que cet encouragement ne participe en définitive que d'un spectaculaire complètement gratuit, ne servant plus à l'édification de rien ni de personne, j'entends) (1).

Aussi que dire de la synastrie? Pour un astrologue, il s'agit d'un des rares aspects qui soient considérés comme absolument négatifs et destructeurs. La position des planètes dans les deux thèmes importe peu. J'ai fait la connaissance voilà deux ans d'une collègue New Yorkaise dont le Saturne natal forme ce carré à mon Mars, et bien que nous sachions tous deux à quoi nous en tenir sur cette incompatibilité majeure, la nécessité de rapports sociaux réguliers (s'ajoutant à la moindre des politesses) a fini par tisser des liens débordant le cadre strictement professionnel (Mars et Vénus indiquent le passionnel). La relation est globalement désastreuse : Nos divergences sont systématiques et fondamentales, nos conversations ont l'aspect d'un champ de bataille où chaque phrase amicale, chaque accès de tendresse serait une bombe en puissance, reçus avec la plus grande circonspection. D'un point de vue strictement astrologique une telle relation ne peut exister sans se révéler entièrement destructrice. La sagesse aurait été de s'en tenir à ce point purement traditionnel, cependant il arrive que mon Mars (en Verseau, précisément) veuille l'abolition des limites au nom d'idéaux parfois fort vagues - en fait l'idéal lui-même est toujours susceptible de s'effacer derrière le principe de l'idéal : La croisade importe plus que Jérusalem, la quête est tout et le Graal peu de choses. Par moments uranien, prométhéen, il a toute limitation formelle, toute privation et tout autoritarisme en horreur.  Précisons, pour son Saturne en IX, et donc à-propos de limitations, que ma collègue, évoluant dans un milieu strictement hassidique, pratique le judaïsme le plus dogmatique dans l'intention d'être rabbin. Je doute qu'elle se contente d'un athée militant, qui pousse la mécréance jusqu'à se permettre d'affirmer définitivement à l'encontre de la Loi Révélée que l'homme doit (évidemment) se nourrir avant ses chiens... Or Mars en Verseau se bat d'abord pour l'humanisme, et d'ailleurs ce carré n'aide pas à entendre ni faire entendre raison (Cette personne est au demeurant charmante sous d'autres points de vue, mais fermons cette parenthèse hantée. Ma circoncision ne figure pas parmi mes projets immédiats).

Pour César les positions des planètes sont cependant différentes de celles qui nous préoccupent et c'est la bonne nouvelle du jour, bien qu'un carré reste un carré, une crise reste une crise... Ajoutons pour l'anecdote que César partage cet aspect avec la sublime Claudia Schiffer, en apparence froide et distante, au physique et à la discipline parfaites, martiaux pour une femme si l'on me passe l'oxymore (le défilé sans les armes, l'intériorisation du conflit et la conquête de soi-même allant de pair avec celle du monde). Autre point commun : les jambes, à en croire les annales...

C'est une bonne nouvelle car Mars et Saturne sont ici en réception mutuelle, à savoir que comme Mars est le premier maître traditionnel du signe du Scorpion (le second après Pluton pour les modernes), et Saturne est le premier maître du Verseau (le second après Uranus pour les modernes), les deux planètes se maitrisent mutuellement, se neutralisant d'une certaine façon. Si la maîtrise saturnienne prend le pas sur celle d'Uranus, comme c'est parfois le cas, tout au plus rencontrerons-nous quelques frustrations, quelques retards dûs à des considérations plus ou moins morales (qui pourraient n'être en fait que prétextes d'affirmation d'autorité personnelle), la nécessité de se concentrer sur son but et sans doute quelques excès d'autodiscipline, une tendance à se focaliser en priorité sur des tâches particulièrement ardues ou sur des problèmes particulièrement difficiles - ou encore à ne voir que le coté pénible d'une situation. Une certaine froideur et une certaine distance sont possibles, les émotions étant provisoirement refoulées. 

Lorsque la tendance uranienne prédomine, froideur et détachement demeurent, mais par contre l'aspect peut se révéler beaucoup plus critique, tout au moins dans l'absolu. Les difficultés de concentration, le manque de méthode peuvent entrainer des actions dénuées de sens, absurdes, voire dangereuses pour soi-même et pour les autres, d'où l'embrasement de conflits dont on peut difficilement définir la raison. Les excès d'originalité pourraient en fait s'opposer à la direction naturelle des instincts plutôt que de leur ouvrir la voie sur une libre expression créatrice. Les relations avec l'autre sexe, notamment, pourraient s'avérer tendues et tissées d'incompréhensions. Une excessive nervosité pourrait se muer en agressivité et en rébellion, ce qui risque de s'exprimer par une activité désordonnée, au mieux, mais aussi par une action radicale et une violence aveugle, des velléités indépendantistes, séparatistes, fondamentalistes, des atteintes aux forces de l'ordre. Des conflits sont à craindre entre les valeurs traditionnelles, ou traditionalistes, et des comportements délibérément et systématiquement provocateurs, immoralistes ou simplement irresponsables. L'éventualité d'une répression activiste brutale des attitudes et des tendances anticonformistes n'est pas à exclure. 

Tout naît de la tension, pensaient les stoïciens. Si l'on parvient à éviter ces écueils toutefois, la réception mutuelle Mars-Uranus et le trigone Mars-Jupiter (ce dernier formant lui-même un sextile à Uranus), vont dans le sens d'un développement et d'une avancée spectaculaire (sur le plan des idées d'avant-garde en particulier), un dépassement de soi ou des victoires individuelles sur soi-même intéressant l'humanité dans son ensemble, des découvertes géniales, inattendues, ou des progrès significatifs dans les domaines scientifiques et technologiques.

 
















Les plus grandes découvertes ont été faites par des hommes, les uns s'étant incidemment tournés vers le ciel, les autres s'étant contentés de regarder ce qui se trouvait sous leurs pieds.  Il y a quelques jours, la météorite martienne Black Beauty (à gauche), vieille de plusieurs milliards d'années, nous en a appris d'avantage sur l'histoire du système solaire que le robot martien Curiosity, fleuron de la technologie scientifique moderne (à droite). "Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas", aurait dit Hermès le Trismégiste : la connaissance de l'ordre sublunaire se confond avec celle de l'ordre universel. Les vérités les plus anciennes (Saturne) peuvent se révéler, par leur redécouverte, proprement révolutionnaires, susceptibles de bouleverser tout un paradigme culturel et scientifique (Uranus). Le savoir n'appartient donc pas nécessairement au futur, il s'agit quelquefois de le déterrer parmi les ruines d'un passé révolu, mais il ne se révèle jamais qu'en son temps. Et il est d'ailleurs exact que les aspirations d'un Mars en Verseau sont telles qu'il est parfois nécessaire de les rappeler... sur Terre : Mars dans cette position tend à se couper du monde pour le conquérir d'une façon tout extérieure.

Plus précisément, une nouvelle "philosophie de l'action", ou des (re) découvertes importantes concernant le fonctionnement de la conscience, notamment sur la "psychologie des profondeurs" (la conjonction Mercure-Pluton incline vers la compréhension des fondements de la dynamique vitale) pourrait aussi figurer parmi les fruits d'une telle configuration planétaire. La tendance actuelle à la vulgarisation immédiate de telles découvertes (Uranus en Bélier) pourrait devoir toutefois être réprimée dans un premier temps pour diverses raisons, allant du simple bon sens au mercantilisme en passant par les questions de moralité, de responsabilité, voire de secret militaire... La Tradition parlerait, elle, de discipline de l'Arcane (2). 

Notes 

(1) "Les tragédies de l'Histoire révèlent les grands hommes : Mais ce sont les médiocres qui provoquent les tragédies"  - Maurice Druon

(2) Il peut être utile de rappeler ici les limites, disons, de toute interprétation symbolique : Un symbole est toujours par définition biface, ambivalent, il est constitué de deux significations antithétiques qu'il résout en soi-même. Or à moins d'être soi-même un symbole, ou de le prétendre, c'est une faculté que même nous, astrologues, n'avons pas. Ainsi nous faut-il souvent trancher entre deux interprétations tout aussi juste l'une que l'autre, et parfois laisser certaines questions en suspens. La tendance à la vulgarisation immédiate (notamment scientifique) que nous évoquons, en rapport avec Uranus en Bélier, peut s'avérer, au contraire, dans des conditions astrales différentes, une nouvelle possibilité d'évoluer offerte par les techniques modernes de communication, un progrès humain et humaniste considérable, et sa répression une atteinte aux libertés individuelles et collectives.
Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...

Page Translation